Suite aux dernières annonces du Conseil fédéral, les entrepreneurs ont été invités à réinstaurer le télétravail depuis lundi pour leurs collaborateurs. Une recommandation qui avait déjà été émise en mars lors de la première vague de la pandémie du coronavirus. Fort de cette première expérience, certains CEO de PME abordent différemment cette nouvelle phase qui s’ouvre à eux. Le télétravail n’est plus forcément la règle. C’est le cas de Jocelyn Cattin, à la tête de Magtrol, une société active dans le domaine des tests de moteurs et des capteurs. Le CEO de la firme fribourgeoise a décidé de ne pas introduire de nouvelles mesures de télétravail, estimant que le port obligatoire du masque mis en place il y a deux semaines pour tous les employés est suffisant. En mars, il confiait à L’Agefi que 30% de ses collaborateurs travaillaient depuis chez eux, la majorité étant obligée de se rendre sur leur lieu de travail au vu de leur poste dans l’usinage, le montage ou encore la logistique. «Lorsque les cas ont diminué, le travail en présentiel a été réinstauré», explique le directeur, qui estime le taux de télétravail actuel entre 4 et 5%.
Perte de rendement
La phase de home office en mars ne l’a pas convaincu à reconduire l’expérience: «Le télétravail n’est pas forcément efficace s’il est effectué à 100%. Il le serait davantage sur un mode de tournus de 3 ou 4 jours en présentiel, puis 1 ou 2 jours en télétravail, qui ont pu être préparés lors des séances en entreprise. Certains collaborateurs ne peuvent ou ne savent pas s’organiser depuis chez eux», commente Jocelyn Cattin, qui note une perte de rendement dans les projets par manque de communication, et des employés qui ne se sentent pas assez intégrés malgré les e-mails et les contacts téléphoniques réguliers. D’autres mesures ont donc été prises en compte: les places de travail ont été réorganisées afin d’assurer les distances minimales entre les collaborateurs et des rappels sur les règles d’hygiène accompagnent chaque fiche de salaire.
Retour possible du chômage partiel
Christian Degouy, CEO du spécialiste de l’outillage Bugnard, ne veut pas non plus tomber dans une logique de paranoïa et en appelle au bon sens. «Je compte sur la responsabilité individuelle de chaque collaborateur d’aller se faire tester s’il a des symptômes», commente le directeur, précisant que le port du masque est obligatoire dans son magasin de Lausanne et sa succursale de Zurich. Après les nouvelles règles édictées par le Conseil fédéral le chef d’entreprise a décidé de donner à l’ensemble de son personnel la possibilité de pratiquer le télétravail 5 jours par semaine, contre 2 jours actuellement. Une configuration qui avait été maintenue depuis mars. «Nous avions cessé de recourir au chômage partiel à la fin du mois de juin, mais il est possible que cette mesure soit reprise pour l’équipe de vente externe selon l’accueil que leur réservent les clients», explique Christian Degouy. La situation s’annonce plus complexe pour l’entreprise genevoise de calibrage d’instruments de mesures, Servilec, acquise en avril. «Nous n’avons pas d’option car les bancs de calibrations ne sont pas mobiles et nous réalisons une partie importante de notre chiffre d’affaires en magasin», précise le CEO, convaincu qu’il devra opérer dans ce contexte jusqu’à mai-juin 2021. La reprise du home office semble plus évidente pour les entreprises dont les services sont 100% en ligne. C’est le cas de Tooyoo. En mars, Ralph Rimet, CEO de la plateforme vaudoise qui stocke les informations importantes en cas de décès, avait imposé à 100% le télétravail à ses collaborateurs. Un retour en mode 50% présentiel et 50% home office avait ensuite été opéré au creux de la vague. La recommandation du Conseil fédéral tombée dimanche fait opter à nouveau, et sans hésitation, Ralph Rimet pour le travail depuis le domicile à 100%.«Étonnamment, nous ne constatons pas de ralentissement et finalement peu d’impact négatif lié au télétravail, hormis de ne plus avoir de relation physique avec les partenaires, qui permettent de passer d’autres messages et de construire d’autre relations. Mais au niveau de l’efficacité, nous sommes sur un trend plutôt positif. Les gens se sont bien adaptés», commente le CEO, admettant que la facilité est certainement liée au domaine d’activité de la start-up.
Intégrer le facteur pandémie
Les nouvelles mesures du Conseil fédéral n’ont aucun impact sur l’organisation mise en place depuis mars 2020 au sein d’Expert Caution, assure son directeur Gérald Follonier. Les collaborateurs effectuent du home office, avec une condition de présentiel 1 à 2 fois par semaine. Un procédé relativement aisé étant donné que les processus de traitement de la société sont totalement digitalisés. Le CEO se dit toujours aussi serein qu’en mars, lorsqu’il s’exprimait dans nos colonnes. «La situation n’est plus aussi délicate car nous avons intégré le facteur pandémie dans l’opérationnel de nos activités. Nous considérons toujours cette période comme pleine d’opportunités. Le portefeuille d’assurance des garanties de loyer WEB Caution a doublé en 2020 par rapport à la même période en 2019», commente le CEO.
Moins d’agilité
Toutes les plateformes en ligne ne suivent pas la logique du télétravail. Au terme d’une séance de direction organisée à la première heure ce lundi, le CEO de la plateforme funéraire Everlife, Fabrice Carrel, a décidé de ne pas réintroduire le télétravail au sein de son équipe. « A ce jour, le Conseil fédéral ne l’impose pas, même s’il le recommande. Nous étions en télétravail à 100% jusqu’à fin août, puis seules les personnes à risque sont restées à leur domicile. Cette méthode a bien fonctionné, toutefois, il est vrai que pour une start-up comme la nôtre, qui se doit d’être hypra-agile au quotidien, le télétravail parasite quelque peu cette agilité. Bien qu’il soit tout à fait supportable», justifie Fabrice Carrel. Le cofondateur de la société fribourgeoise dit suivre avec attention l’évolution de la situation et se dit prêt avec ses collaborateurs à devoir quitter les bureaux si cela s’avère nécessaire, ou si le Conseil fédéral l’impose.