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Swiss Steel se débat dans des sables mouvants

ANALYSE. Le fabricant suisse d’acier haut de gamme, soutenu à bout de bras par Martin Heafner, procède à sa deuxième augmentation de capital dilutive en un an. La concurrence est féroce dans une industrie cyclique.

Le changement de nom du groupe Schmolz + Bickenbach en Swiss Steel Group a été accepté en septembre dernier par les actionnaires à la quasi-unanimité.
Keystone
Le changement de nom du groupe Schmolz + Bickenbach en Swiss Steel Group a été accepté en septembre dernier par les actionnaires à la quasi-unanimité.
22 décembre 2020, 16h57
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Swiss Steel Group (ex-Schmolz + Bickenbach) aura un nouveau CEO,  Frank Koch, au plus tard le 1er janvier 2022. Le cadre de 48 ans vient de restructurer le géant allemand de l’acier GMH. Sa nomination a été annoncée lundi soir alors que Swiss Steel a obtenu mardi l’assentiment pour la seconde augmentation de capital avec droits de souscription en un an. L’assemblée générale extraordinaire des actionnaires  s’est déroulée à Lucerne, sans présence physique en raison du Covid-19. Seulement 66,85% des voix représentées (88,6% du capital donnant ce droit) ont soutenu une nouvelle injection de fonds propres d’un montant de 200 millions d’euros environ (les comptes sont établis dans cette monnaie) et l’émission d’un peu plus d’un million de actions. Mardi soir, le groupe a cependant annoncé que Liwet, la holding de l'actionnaire minoritaire Viktor Vekselerg, a obtenu le blocage de l'opération.

Le résultat du vote de l'AG avait déjà montré l’opposition qui existe face à l’actionnaire principal Martin Haefner, dont la participation dans le fabricant d’acier spécial pour l’outillage, l’ingénierie et inoxydable s’élève actuellement à environ 50%. Celui-ci a en effet obtenu une dérogation de la Finma à l’obligation de soumettre une offre d’achat à l’ensemble des actionnaires jusqu’à la fin de 2024. Il devra d’ici là ramener sa part en-dessous de 33,3%. Le second actionnaire donc est Viktor Vekselberg, qui possède par ailleurs respectivement 48,8% et 41,3% des sociétés industrielles Sulzer et OC Oerlikon. Il requiert une offre de Martin Haefner et a déposé une plainte auprès de la Commission des OPA (Copa). Le milliardaire russe dispose de 10 jours pour faire valoir les arguments qui le conduisent à rejeter l'augmentation de capital.


Forte intensité en capital  

Mais qu’est donc allé faire dans Swiss Steel Martin Haefner, l’héritier du groupe Amag, le principal importateur de voitures en Suisse ? On peut d’ailleurs se poser la même question pour Viktor Vekselberg. L’action de l’entreprise basée à Lucerne a perdu plus de 50% de sa valeur en cinq ans et plus de 90% en dix ans. Swiss Steel est l’histoire d’une longue destruction de valeur. Car cette entreprise évolue dans une industrie cyclique, fortement gourmande en capital et peu différenciée. 

Les compagnies aériennes, les producteurs de gaz et pétrole, les fabricants de papier ou les constructeurs automobiles (hormis des marques de luxe comme Ferrari ou Porsche) se rangent dans la même catégorie. Nul autre mieux que l’investisseur américain Warren Buffett ne résume les caractéristiques de tels secteurs : «ce genre d’entreprises vendent un type de produits génériques pour lequel le prix est le facteur déterminant de la décision d’achat. Les coûts d’adaptation et les investissements absorbent tout ou partie du cash-flow.» 

Les sociétés qui opèrent dans de telles industries présentent généralement des marges et un rendement des capitaux employés qui sont bas à travers les cycles conjoncturels. Un autre facteur est la présence de multiples producteurs. Dans le cas de Swiss Steel, il y a entre autres les chinois Tiangong, Tsingshan et Dongbei, le sud-coréen Posco, l’autrichien Voestalpine ainsi que les japonais Hitachi, Daido et NSSMC. Les bénéfices évoluent en dents de scie. 

«Le problème avec ce type d’affaires est la quête d’un leadership en coûts, qui n’est pas facile à conserver. Il est ainsi préférable pour un investisseur d’acquérir des actions à un prix raisonnable de sociétés qui possèdent un avantage compétitif durable, notamment au plan technologique, et qui ont un pouvoir de fixation des prix», explique Marc Possa, gérant du fonds en actions suisses SaraSelect, dont la fortune avoisine 1 milliard de francs. 


Swiss Steel se débat dans des sables mouvants

Du début 2015 à fin septembre 2020, Swiss Steel n’a généré qu’un cash-flow libre cumulé d’environ 40 millions d’euros, et ce de façon erratique. Au 30 septembre dernier, son ratio de fonds propres n’atteignait que 10,9%, malgré une forte augmentation de capital en janvier dernier avec l’émission d’un million d’actions pour 325 millions de francs. 

Sera-ce mieux en 2021 ? Le consensus des analystes financiers, au nombre de quatre recensés par Swiss Steel, ne le laisse pas présager avec un prix-cible à 0,14 franc (contre un cours boursier actuel de 0,24). La visibilité reste faible.   


Note: texte mis à jour à 21h05 après l'annonce du blocage de l'augmentation de capital par Liwet.