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«Sans les excès de réglementation, notre portefeuille résidentiel serait plus important»

René Zahnd, CEO de Swiss Prime Site, n’exclut pas de nouvelles acquisitions. Et relève la détérioration des conditions-cadres dans l’habitat, notamment à Genève.

René Zahnd. Le CEO de Swiss Prime Site se dit «convaincu que la durabilité n’affecte pas» les marges du groupe.
René Zahnd. Le CEO de Swiss Prime Site se dit «convaincu que la durabilité n’affecte pas» les marges du groupe.
Philippe D. Monnier
Entrepreneur et administrateur
10 novembre 2020, 21h07
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Malgré la vente de la société Tertianum, le groupe immobilier soleurois Swiss Prime Site a annoncé un repli de son bénéfice net pour le premier semestre de cette année, notamment à cause de réévaluations de son portefeuille dues à la pandémie et d’un important effet fiscal l’an dernier. En faisant abstraction des impacts extraordinaires, Swiss Prime Site met toutefois en exergue sa bonne performance durant le premier semestre 2020. Pour passer en revue la stratégie et le futur de son groupe, René Zahnd, CEO de Swiss Prime Site depuis 2016, a reçu L’Agefi dans le gratte-ciel zurichois «Prime Tower». Auparavant, cet avocat issu de l’Université de Berne a travaillé pendant de nombreuses années dans le domaine de l’immobilier, notamment comme cadre supérieur chez Implenia.   Concernant la pandémie, comment évaluez-vous l’impact de la deuxième vague? J’espère ardemment qu’il n’y aura pas de nouveau confinement à Zurich car cela générerait des faillites massives. Je suis particulièrement inquiet quant au sort des hôtels de la ville, de la gastronomie, des cinémas et de l’événementiel. Comment résumeriez-vous l’impact de la crise sanitaire sur Swiss Prime Site, notamment à moyen terme? Le marché de l’hospitalité (hôtels et événements) devrait rester sous pression à court et moyen terme; cela est largement lié à la réduction drastique du nombre de passagers à l’aéroport de Zurich. Par contre, le commerce électronique explose et cela accroît les besoins en logistique, un secteur que nous sommes justement en train de renforcer. Et cela est particulièrement vrai pour la logistique urbaine qui permet des livraisons rapides, une exigence de plus en plus marquée parmi les acheteurs en ligne.  Et le commerce de détail? Je suis persuadé que nos magasins vont continuer à avoir du succès car ces derniers jouissent de bons emplacements. En outre, malgré le confinement, 2020 devrait être une année record pour la vente au détail alimentaire, Near-Food et spécialisée. Par contre, les magasins moins bien situés souffriront de la concurrence du commerce en ligne. Comment voyez-vous la demande future pour les bureaux? Je ne suis pas inquiet malgré l’importance du travail à domicile durant la pandémie. En Suisse, les temps de trajet pour se rendre au travail sont les plus bas d’Europe et les employés souhaitent retourner au bureau pour améliorer les «3 C», c’est-à-dire la concentration, la communication et la coopération. En outre, la tendance est à l’accroissement des surfaces par employé, notamment avec des espaces communs plus spacieux.  Apparemment, les investisseurs ne partagent pas complètement votre optimisme car la valeur de votre action à chuté de 30% depuis le début de l’année... A la fin de l’année passée, nous avons communiqué la vente de Tertianum et cela a momentanément tiré notre valorisation vers le haut, aux alentours de 125 francs par action. A mon sens, il est plus adéquat de comparer le cours actuel de nos actions – environ 80 francs – avec une valorisation à 100 francs, donc sans l’effet de la vente de Tertianum.   Dans une large mesure, cette baisse de vingt francs par action est due au fait que les analystes étrangers surévaluent les effets négatifs de la pandémie sur nos activités de ventes au détail. Dans beaucoup de pays européens, ce secteur est terriblement affecté mais cela est beaucoup moins le cas en Suisse, en particulier si les emplacements sont bons, ce qui est notre cas.  Dans une large mesure, Swiss Prime Site s’est développé par le biais d’acquisitions d’actifs et de sociétés. Quels ont été les défis pour intégrer tous ces rachats?  Concernant l’acquisition d’objets immobiliers, l’intégration dans notre portefeuille a été aisée; d’ailleurs, nous essayons toujours d’acquérir des actifs plutôt que des sociétés. Concernant les sociétés que nous avons acquises, notamment Wincasa et Jelmoli, elles sont restées des entreprises opérationnellement indépendantes. Envisagez-vous de continuer à acquérir, par exemple des cibles en proie à des difficultés à cause de la crise sanitaire?  Disons que nous restons attentifs aux opportunités qui se présentent et que de nouvelles acquisitions ne sont pas exclues. Le secteur de l’immobilier est-il en soi très local?  On peut l’affirmer, car il est nécessaire d’avoir des connaissances très locales, notamment en ce qui concerne la réglementation. En plus, pour minimiser les risques d’opposition contre de nouvelles constructions, il est essentiel de savoir communiquer avec les riverains et les voisins, avant même de déposer des demandes de permis de bâtir. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que nous avons mis sur pied un bureau à Genève. Concernant le développement de nouveaux projets, diriez-vous donc qu’il est essentiel d’avoir accès à des informations locales «privilégiées»? Absolument et, pour ce faire, nos meilleurs yeux et nos meilleures oreilles, c’est Wincasa et sa présence sur une trentaine de sites.    Certaines sociétés immobilières créent des entités légales ad hoc pour chaque nouveau développement dans le but d’isoler les risques correspondants. Pourquoi ne le faites-vous pas? Les nouveaux développements immobiliers font partie de notre cœur de métier. Comme nous maîtrisons les coûts et tous les processus correspondants, il n’est pas nécessaire pour nous d’isoler les risques inhérents aux nouveaux projets. Vos principaux actionnaires sont de grands fonds, notamment BlackRock, Credit Suisse Funds et State Street Corporation. Quel impact sur votre gouvernance? En fait, la liste de nos dix principaux actionnaires est très stable, même si le pourcentage d’actions détenu par chacun d’entre eux varient régulièrement. Nous gardons des contacts étroits avec nos grands actionnaires, notamment dans le cadre de nos road shows. Par exemple, BlackRock met beaucoup l’accent sur les aspects de durabilité et l’indépendance des administrateurs.  Swiss Prime Site attache beaucoup d’importance aux critères ESG et aux objectifs  de développement durable des Nations Unies. Est-ce compatible avec la maximisation de la profitabilité? Absolument. Je suis convaincu que la durabilité n’affecte pas nos marges. En fait, construire un bâtiment d’une manière durable accroit sa valeur car les coûts opérationnels, au cours de sa durée de vie de 60 ans, sont bien plus réduits. Ces coûts opérationnels représentent en fait 80% des coûts totaux du bâtiment. En tant que propriétaire, il est donc financièrement très intéressant pour nous d’ériger des constructions durables. Swiss Prime Site est officiellement enregistré à Olten alors que vos cadres sont avant tout basés à Zurich... Cela est tout simplement dû à des raisons historiques. C’est à Olten que notre entreprise a débuté ses activités et c’est dans cette ville que nous conservons encore nos fonctions de comptabilité. Il n’y a aucun montage fiscal derrière cela car, conformément au droit fiscal suisse, nous payons des impôts principalement là où se trouvent nos objets immobiliers. Que pensez-vous des conditions-cadres en Suisse concernant l’immobilier?  D’une manière générale, je dirais que les conditions-cadres sont bonnes mais elles ont tendance à se détériorer, principalement dans le secteur résidentiel. En effet, j’observe une tendance nette à la surrèglementation, par exemple en ce qui concerne les PPE (propriétés par étage) à Genève, les coopératives de logement à Zurich ou les prescriptions concernant le bruit dans les grandes villes. Et sans parler de la Lex Koller. Sans ces excès de réglementation, notre portefeuille résidentiel serait plus important.

 «L’alimentaire apporte beaucoup de trafic intéressant pour nos autres secteurs»

Concernant votre filiale Jelmoli, quand prévoyez-vous de renouer avec la profitabilité? D’ici à 2023. Je suis confiant que nous y parviendrons bien que nous ayons perdu une année à cause du Covid.     Vous combinez des «shops in shop» (actuellement 40%) avec vos propres commerces et services. Envisagez-vous de maximiser le pourcentage de «shops in shop»? Ce pourcentage n’est en soi pas très important et devrait fluctuer entre 40% et 60%. Par contre, ce qui est essentiel, c’est que nos clients ne remarquent pas de différences entre les prestataires internes ou externes. Pour certains secteurs comme le vin, nous travaillerons toujours avec des prestataires externes car nous ne pourrons jamais rivaliser avec leurs connaissances et leurs volumes d’achat.  Votre section alimentation au sous-sol est sans doute déficitaire. Génère-t-elle du trafic profitable pour d’autres sections? Non, nous ne faisons pas de pertes avec l’alimentation. Oui, l’alimentaire au sous-sol apporte beaucoup de trafic intéressant dans nos autres étages. En plus, durant le confinement de la première vague, nous avons laissé ouvert notre secteur alimentation (au contraire d’autres détaillants) et cela a généré un fort élan de sympathie pour notre enseigne.