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Philippe Bacchetta: «Les chiffres du Seco sont une excellente nouvelle»

Pour Philippe Bacchetta, professeur de macroéconomie à l’Unil, la reprise de l’activité économique a atteint un niveau inattendu au troisième trimestre. Un effet de rattrapage devrait se prolonger en 2021.

Philippe Bacchetta, professeur de macroéconomie à l’Université de Lausanne.
Philippe Bacchetta, professeur de macroéconomie à l’Université de Lausanne.
12 octobre 2020, 17h18
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Le produit intérieur brut (PIB) suisse va reculer de 3,8% en 2020, d'après les indications fournies par le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) lundi. Les nouvelles prévisions pour la Suisse sont bien meilleures que les perspectives établies en juin, qui laissaient augurer un recul à 6,2%. Le Seco estime que le redressement de l’économie suisse s’est poursuivi au troisième trimestre. Certaines branches, à l’instar d’une partie de l’hôtellerie et de la restauration, ont pu limiter les pertes vu que la population suisse n’a que très peu voyagé à l’étranger. Par contre, d’autres pans de l’économie ont connu une reprise moins forte; soit car ils dépendent davantage de la conjoncture internationale comme l’industrie manufacturière, soit parce qu’ils ont été plus directement affectés par la pandémie de coronavirus et par les mesures visant à la combattre comme le tourisme ou l’événementiel. Pour prendre du recul sur ces nouvelles données, L’Agefi s’est entretenue avec Philippe Bacchetta, professeur de macroéconomie à l’Université de Lausanne. Le Seco a revu à la hausse ses prévisions pour l’économie suisse en 2020. Comment expliquer une différence de près de 2 points et demi en l’espace de quatre mois? C’est tout le problème des estimations. Il est difficile d’avoir une image de l’économie en temps réel. Ce n’est pas comme quand on calcule les chiffres définitifs du PIB. L’opération est faite rétroactivement car on a le temps d’analyser tous les indicateurs pour un exercice fini. Concernant l’écart entre les deux estimations, il faut dire que le contexte de la crise joue son rôle. Il règne actuellement un fort climat d’incertitude et d’énormes différences par secteur. Faire des estimations dans ces conditions c’est un peu comme marcher dans le noir.  Avec du recul, les prévisions de juin étaient-elles trop pessimistes? Je ne pense pas que le Seco ait été pessimiste au mois de juin. La chute durant la période avril-mai était tellement forte qu’on aurait même pu tabler sur un déclin de la croissance de l’ordre de 10%. L’économie se dirigeait vers une grosse chute de son PIB. Et il n’y avait aucune idée sur la reprise de la consommation. Le -6,2% estimé par le Seco était tout à fait rationnel par rapport à la situation du moment. Fort heureusement, les choses sont allées mieux que prévu, c’est une surprise pour tout le monde. Vous parlez de surprise, pourtant la reprise de l’activité économique était sur toutes les lèvres après le semi-confinement. Il était clair qu’il y allait avoir une reprise. Mais la chute était tellement forte au printemps, que personne n’aurait pensé que la reprise serait aussi forte. Par exemple, le secteur d’exportation s’est mieux porté que prévu. La chimie-pharma connait même une légère croissance cette année, ce qui permet d’amortir la chute des exportations de marchandises. Autre élément surprenant, la consommation des ménages qui tient finalement assez bien malgré toute cette incertitude ambiante. Certes, nous restons en-dessous du niveau du début de l’année, mais la chute a été moins forte que prévu. Il semble y avoir eu un report de consommation sur d’autres achats. Malgré tout, -3,8% serait le plus fort recul du PIB suisse depuis 1975.  Et pourtant, les chiffres du Seco sont une excellente nouvelle. La Suisse s’en sort bien. À titre de comparaison, les Etats-Unis devraient afficher un PIB en retrait de 4,2% cette année tandis que celui de la zone euro doit plonger de -8,1%. Fin septembre, la BNS a elle aussi corrigé ses prévisions sur le PIB suisse, en 2020 en tablant plutôt sur une baisse de 5% contre 6% en juin. De son côté, l’institut Créa a communiqué sur une baisse de 6,2% du PIB national pour 2020 en septembre. Qui croire? J’ai envie de vous répondre personne. Il y a une telle incertitude à l’heure actuelle. Peut-être que ces -3,8% seront révisés plus tard. La donnée exacte sera calculée dans une année. Je pense tout de même qu’il faut croire les chiffres les plus récents, ceux du Seco, car ils sont les plus crédibles.
Toujours selon le Seco, le PIB devrait progresser de 4,2% en 2021 (3,8% en excluant les événements sportifs), soit un retour au niveau d'avant la crise. Qu’en pensez-vous? Si la Suisse arrive à contrôler la deuxième vague comme elle le fait à l’heure actuelle, une reprise en 2021 dans le même ordre de grandeur que le mentionne le Seco est tout à fait envisageable. Pour autant que les principaux partenaires commerciaux du pays ne retombent pas en récession. Si le contexte demeure favorable, les dépenses de consommation privée et d’investissement devraient connaître même un effet de rattrapage l’an prochain. Il y a des raisons d’être optimiste: la Chine semble se stabiliser par exemple, les Etats-Unis pourraient annoncer un plan de relance. >> Lire aussi: Seco: la contraction économique moins forte que redouté en 2020