propos recueillis par Philippe D. Monnier
Le mois passé, Baloise Group communiquait un repli de son volume d’affaires sur les neuf premiers mois de 2020 mais mettait en exergue sa confiance dans l’avenir et confirmait ses objectifs à l’horizon 2025. C’est dans son siège à Bâle que le Belge Gert de Winter, CEO du groupe depuis janvier 2016, a reçu L’Agefi pour passer sa stratégie en revue.
Croissance
Entre 2017 et mi-2020, vous indiquez avoir acquis environ 635 000 clients. Peut-on grandir si rapidement sans «hériter» de nombreux clients à haut risque?
Absolument. Traditionnellement, nous catégorisons la clientèle en quatre niveaux (A, B, C et D), les clients A étant ceux qui sont le plus conscients des risques (ndlr: ils prennent moins de risque). Notre stratégie est de nous focaliser sur les clients A et B.
De cette manière, nous avons réussi à croître rapidement tout en améliorant la qualité moyenne de notre portefeuille de clients.
De plus, pour la période 2022-2025, notre but est d’accélérer encore notre croissance et de gagner 1,5 million de nouveaux clients.
D’où proviennent tous ces nouveaux clients A et B? Avez-vous ciblé les portefeuilles de certains concurrents pour lesquels vous avez identifié quelques faiblesses?
Nous n’avons ciblé aucun concurrent en particulier mais avons deux sources de nouveaux clients. Primo, à l’intérieur de notre cœur de métier, nous avons lancé de nouveaux produits innovants, par exemple younGo et la micro-assurance. Certes, les recettes de ces nouveaux produits sont relativement réduites mais cela nous permet d’établir de nouvelles relations commerciales appelées à se développer. Secundo, nous tablons beaucoup sur nos nouveaux écosystèmes habitat et mobilité.
Une expansion à d’autres pays est-elle à l’ordre du jour?
Nous sommes réticents car nous manquerions de connaissances spécifiques. Une exception serait néanmoins une expansion internationale par le biais de services en ligne comme ceux proposés par notre nouvel assureur allemand Friday (assurance automobile).
Quid d’une expansion vers d’autres secteurs de l’assurance, par exemple l’assurance maladie par le biais d’acquisitions?
Dans chacun de nos pays, nous menons une politique active d’acquisitions. Néanmoins, concernant une expansion vers un nouveau domaine comme l’assurance maladie, nous trouvons cela trop risqué et préférons bâtir sur nos forces. Par contre, des partenariats dans un tel domaine sont envisageables.
Covid
Concernant le Covid, pouvez-vous chiffrer l’impact financier sur Baloise?
En termes de sinistres bruts, le Covid nous a coûté probablement environ 200 millions de francs pour l’année fiscale 2020, principalement à cause de la fermeture de restaurants.
En valeurs nettes (après déduction des montants facturés aux réassurances), nous arrivons à un coût d’un peu plus de 60 millions de francs. Avec la fin de la deuxième vague, ces montants pourraient être légèrement revus à la hausse.
Durant la crise, vous avez aidé vos clients de diverses manières. Avez-vous évalué les retours de ces démarches?
Nous avons en effet tenté de soulager nos clients, notamment avec des ajournements de primes, des conseils juridiques gratuits et des prêts-relais Covid par l’intermédiaire de notre banque Baloise Bank SoBa.
Nous n’avons pas pris ces initiatives suite à un calcul sur les effets positifs à long terme car c’est le rôle sociétal d’une assurance d’aider ses clients en temps de crise.
Stratégie et synergies
Baloise Group se concentre sur la Suisse, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. Pour votre groupe, quelles sont les grandes différences entre ces pays?
Les marchés suisses et luxembourgeois sont fortement consolidés; par conséquent, les prix sont calculés sur une base très «technique», c’est-à-dire strictement en fonction des risques et moins selon la pression du marché. Par contre, avec plus 150 sociétés d’assurance y compris de nombreuses mutuelles, le marché allemand est très fragmenté et hétérogène. Le marché luxembourgeois est plutôt semblable au marché allemand. Quant à la Belgique, elle se trouve dans une situation intermédiaire.
Les canaux de distribution sont un autre facteur différentiateur. Le marché belge est dominé par les courtiers locaux alors que l’on observe une combinaison d’agents et de courtiers sur le marché allemand. Finalement, le marché suisse est ce que l’on appelle omni canal (agents, courtiers, ventes directes et centres d’appel).
En plus de vos services d’assurance, Baloise est une banque et un gestionnaire d’actifs. Il s’agit-là d’une combinaison unique en Suisse qui laisse certains experts dubitatifs...
Nous sommes très satisfaits de notre modèle unique car nous pouvons offrir une vaste gamme de services financiers à nos clients, à l’instar d’un one-stop shop.
Mais avez-vous véritablement une masse critique pour la gestion d’actifs ou les services bancaires?
Nous en sommes persuadés. Concernant la gestion des actifs, nous ne sommes pas les plus grands du monde mais nous sommes spécialisés dans certaines niches comme l’immobilier, la dette privée ou les prêts garantis senior. De plus, avec notre masse sous gestion d’environ 60 milliards de francs, nous sommes un des plus grands gestionnaires d’actifs parmi les assureurs en Suisse.
Notre objectif est d’augmenter cette masse d’au moins 10 milliards provenant de clients tiers et, pour ce faire, nous ciblons notamment les 300 caisses de pension en Suisse; nous sommes déjà en discussion avec nombre de ces caisses. Quant à notre banque Baloise Bank SoBa, elle se développe bien et offre maintenant ses services dans toute la Suisse par le biais de nos agences générales.
Ecosystèmes, habitat et mobilité
Concernant vos écosystèmes habitat et mobilité, vous êtes rarement propriétaires à 100% des acteurs de ces écosystèmes...
Pour mettre en place ces écosystèmes, nous combinons en effet l’incubation de jeunes pousses, l’acquisition (totale ou partielle) de jeunes sociétés externes, nos initiatives d’innovation à l’interne, des partenariats et des investissements purement financiers dans des start-up prometteuses. De plus, un écosystème est par définition un réseau que nous ne possédons pas complètement. En plus, nos participations évoluent sans cesse, dans les deux sens; par exemple, lorsque Friday était incubé, nous étions propriétaire à 100%; dans une seconde phase, nous avons cédé 18% à l’investisseur financier de ProSiebenSat1 SevenVentures lequel a amené un budget de publicité conséquent. A terme, nous coopérerons avec beaucoup plus de sociétés.
Les sociétés de votre écosystème que vous mettez en avant semblent être avant tout basées hors de Suisse...
Dans les faits, les sociétés basées en Suisse tendent à être surreprésentées. Je pense par exemple à CarHelper (services après-vente pour voitures), Gowago (leasing automobile), Movu (déménagement) ou Batmaid (nettoyage). Toutefois, durant notre dernière journée des investisseurs, nous avons préféré mettre en avant les jeunes pousses étrangères pour souligner notre internationalité.
Motivation et employés
Votre but est de figurer en 2025 parmi le 5% des meilleurs employeurs européens...
Notre philosophie est extrêmement simple: des employés motivés génèrent des clients satisfaits et cela se traduit en succès pour toutes les parties prenantes. Ces éléments constituent d’ailleurs les piliers de notre stratégie. La motivation des employés est extrêmement importante pour Baloise car elle ne peut pas être copiée par nos concurrents, au contraire de nos produits et processus.
Selon notre dernière enquête réalisée en septembre 2020, 86% de nos employés nous recommandent comme employeur. En plus, selon cette étude, nous figurons déjà parmi le 8% des meilleurs employeurs européens dans le secteur financier: de ce fait, nous avons atteint plus tôt que prévu notre objectif intermédiaire qui était d’être parmi les meilleurs 10% en 2021.
Selon vous, quelles sont les actions clés pour améliorer la satisfaction des employés?
Une multitude d’actions comme la capacité d’écoute de l’employeur, la flexibilité des horaires de travail, etc. Quelques exemples: nous avons supprimé les objectifs individuels en faveur d’objectifs d’équipes. En plus, nous avons lancé un projet pilote en Suisse selon lequel chaque employé peut utiliser 10% de son temps de travail pour son développement personnel et l’apprentissage [de nouvelles connaissances]; après six mois, les premiers retours sont très positifs.