Pour beaucoup de monde, 2020 sera une année zéro, à oublier au plus vite en raison des circonstances exceptionnelles causées par le Covid-19. En particulier pour Lindt & Sprüngli qui a vu ses ventes baisser de 10,9% en francs suisses, mais avec une décroissance organique de 6,9% et un doublement du commerce en ligne (5% environ du chiffre d’affaires consolidé).
Le fabricant de la marque haut de gamme mondiale Lindt (et d’autres marques nationales comme Ghirardelli ou Russell Stover aux Etats-Unis ou Caffarel en Italie) a gagné des parts de marché dans pratiquement tous les pays, sous l’impulsion de la propre consommation à travers le commerce de détail. En revanche, le réseau de ses 500 boutiques dans le monde a été affecté par les restrictions sanitaires de même que les ventes dans le “travel retail” (consommation lors des voyages).
La marge d’exploitation (Ebit) a certes reculé à environ 10,0%, ce qui reste encore bon et correspond aux attentes des analystes financiers. Jean-Philippe Bertschy, chez Vontobel, relève que «Lindt demeure un acteur de niche de grande qualité dans le secteur des produits alimentaires et des boissons. Post Covid-19, les consommateurs continueront à être enclins à dépenser de l’argent pour des produits différenciés, innovants et de première qualité.»
Et l’analyste de poursuivre : «cette entreprise se montre disciplinée avec la gestion de ses coûts et présente ainsi une bonne visibilité des bénéfices. En outre, l’accent accru mis sur la gestion du fonds de roulement net et du cash-flow libre se révèle très positif.» Vontobel a un prix cible de 10.000 francs pour le bon de participation Lindt, dont le cours s’élève à près de 8100 francs et affiche une décote d’un peu plus de 5% sur l’action nominative, en raison du droit de vote que comprend cette dernière.
Normalisation en 2022
L’entreprise, qui a son siège à Kilchberg (ZH), conserve son objectif à moyen et long terme d’une croissance des ventes de 5 à 7% par an. Elle estime que la marge d’exploitation devrait retourner à un niveau d’environ 15% lors de l’exercice 2022, pour autant que la situation sanitaire s’améliore considérablement. Une progression annuelle de 20 à 40 points de la marge Ebit semble plausible au-delà de 2022. Un atout de la société zurichoise est sa focalisation sur le chocolat uniquement, contrairement à Nestlé (Cailler) ou l’américain Hershey’s par exemple. Cette stratégie de focalisation a permis de faire de Lindt la marque leader au plan mondial dans le segment «premium».
Dans l’immédiat, l’action et le bon ont perdu plus de 5% et 2% mardi, suite à l’annonce des résultats préliminaires. Des prises de bénéfices ont eu lieu. Car la valeur boursière de Lindt & Sprüngli atteint déjà 20 milliards de francs, ce qui représente 40 fois le cash-flow libre généré en 2019 (529 millions de francs). Lors de l’arrivée en 1994 de son président actuel et ancien CEO, Ernst Tanner, la valorisation ne se montait qu’à quelque 600 millions.
Les analystes de Morgan Stanley se disent confiants dans la stratégie à long terme de Lindt & Sprüngli. «Une baisse substantielle du cours des titres constituent une opportunité attractive pour les investisseurs», commentent-ils. Leur prix-cible se montent à 8200 francs pour le bon.
«La valorisation continue à être étirée, mais la visibilité du groupe s’est sensiblement améliorée», remarque pour sa part Alain-Sebastian Oberhuber, chez Stifel.
De son côté, le site d’analyse américain Morningstar estime la juste valeur de l’action Lindt à un peu plus de 68.100 francs et celle du bon à 6610, c’est-à-dire bien au-dessous des prix actuels (de l’ordre de 85.000.- pour l’action). Toutefois, cette estimation découle d’un algorithme.
