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«L’objectif du Forum économique mondial a toujours été de rester en Suisse»

Jeremy Jurgens, managing director du WEF, indique que le lieu pour tenir la réunion annuelle de 2021 sera annoncé la semaine prochaine. Le choix de Lucerne n’est pas encore sûr.

«L’objectif du Forum économique mondial a toujours été de rester en Suisse»
Philippe D. Monnier
Entrepreneur et administrateur
04 décembre 2020, 6h05
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propos recueillis par Philippe D. Monnier


Avec la crise sanitaire, le Forum économique mondial doit également se réinventer. Pour faire le point sur les défis de cette organisation internationale qui œuvre à la «coopération entre le secteur public et le privé», entretien avec Jeremy Jurgens, managing director du WEF, en charge du Centre pour les industries mondiales et l’intelligence stratégique

La santé du forum

Durant cette pandémie, comment se porte le Forum économique mondial ? Avez-vous perçu un soutien financier (chômage partiel, prêt Covid, etc.) de la part des autorités suisses ?

Le forum se porte bien. Cette année, nous avons organisé un nombre record d’événements, bien sûr presque tous en ligne. Nos parties prenantes sont plus que jamais demandeurs d’événements, en relation avec le Covid ou non. 

Pour cette raison, nos 700 employés sont extrêmement occupés. Personnellement, je travaille pour le forum depuis vingt ans et je n’ai jamais été à ce point affairé bien que cela fait onze mois que je n’ai pas pris un avion pour des raisons professionnelles. En résumé, le chômage technique n’est absolument pas à l’ordre du jour et nous n’avons sollicité aucun soutien financier des autorités suisses. 

Le WEF est avant tout financé par des entreprises privées partenaires. Sont-elles toujours prêtes à vous soutenir malgré l’absence d’événements en présentiel?

Fondamentalement oui. Néanmoins, quelques sociétés actives dans le tourisme et l’hospitalité sont confrontées à de telles difficultés financières qu’elles ont dû se désister temporairement. Heureusement, durant cette crise sanitaire, nous avons aussi gagné des nouveaux membres très intéressés par nos activités.

La situation en Europe en général est très compliquée et difficile, ce qui nous amène à envisager d’autres régions pour une rencontre physique."

Jeremy Jurgens, managing director du WEF


Votre prochaine réunion annuelle n’aura pas lieu en janvier à Davos mais est prévue en mai à Bürgenstock et à Lucerne. A cette date, la pandémie ne sera certainement pas derrière nous...

La sécurité et la santé de nos participants, de nos collaborateurs et de la population d’accueil sont et resteront une priorité absolue pour nous. Dans ce sens, étant donné que nous devrons bientôt envoyer des invitations pour notre réunion annuelle, nous ne pouvons que nous baser sur la situation actuelle pour prendre les décisions relatives à cette réunion. Nous sommes conscients que de nombreuses entreprises suisses sont actuellement dans une situation très difficile et que, dans ce contexte, la décision concernant notre réunion annuelle 2021 en Suisse centrale revêt une grande importance. Malheureusement, la situation en Europe en général est très compliquée et difficile, ce qui nous amène à envisager d’autres régions pour une rencontre physique.

L’objectif du Forum économique mondial a toujours été de rester en Suisse. Une réunion à Lucerne-Bürgenstock reste notre plan jusqu’à ce jour, bien que nous ayons été conscients dès le début qu’en raison de la situation du Covid-19, ce lieu n’a jamais été garanti à 100%. Nous évaluons toujours la situation et communiquerons la semaine prochaine sur la réunion annuelle 2021. 

Selon certaines sources, Singapour serait une option tout à fait sérieuse pour la réunion annuelle de l’année prochaine.

Pas de commentaire. 


Les événements virtuels


Dans quelle mesure êtes-vous satisfaits des nombreux événements en ligne que vous avez organisé cette année ? 

La pandémie a forcé beaucoup d’organisations à organiser pour la première fois des évènements virtuels mais cela fait longtemps que nous organisons des conférences téléphoniques et des événements par Zoom. Cela a donc été aisé pour nous de passer complètement aux événements virtuels. 

Nous évaluons en détail chaque événement en ligne que nous organisons. Par ailleurs, nous nous focalisons actuellement sur l’organisation du «Davos Agenda», notre prochain événement virtuel qui se déroulera du 25 au 29 janvier 2021.

Après la pandémie, allez-vous continuer à organiser de nombreux événements en ligne ?

Nous allons organiser une combinaison d’événements en ligne, en présentiel et hybrides, ce que nous faisions déjà avant la pandémie. Néanmoins, il est raisonnable de supposer que la proportion d’événements en ligne va légèrement gagner en importance. 


La promotion de l’innovation


Concernant la promotion de l’innovation, quels devraient être le rôle principal des gouvernements ? 

Vous aborder là un sujet très chaud.. Certains experts préconisent une attitude de laissez-faire. En revanche, d’autres connaisseurs sont en faveur d’un rôle prépondérant de l’Etat. Cette deuxième école de pensée est fortement imprégnée en Europe de l’Est et en Russie ; je me réfère notamment au grand centre russe d’innovation appelé Skolkovo.

Quelle école de pensée a votre préférence ?

A mon sens, la vérité se trouve entre ces deux extrêmes. Sans support étatique, des innovations comme l’internet ou les systèmes GPS n’auraient pas vu voir le jour. Par contre, ne pas laisser suffisamment d’espace au secteur privé ne me paraît pas être une bonne solution non plus. 

Plus précisément, je pense que l’Etat doit jouer un rôle de catalyseur pour encourager l’éclosion et la croissance des initiatives innovantes. Par contre, l’Etat ne devrait pas chercher à parier sur les sociétés ou sur les technologies gagnantes. Par exemple, pour réduire le CO2, l’Etat ne devrait pas décider s’il est préférable de soutenir les panneaux solaires, les éoliennes, la capture du carbone ou l’hydrogène.

Dans de nombreux pays, la majorité des créateurs d’entreprises à succès sont des étrangers ou d’origine étrangère. Comment l’expliquez-vous ?

Je pense à plusieurs facteurs.

Primo, une multitude d’entrepreneurs décident de se rendre dans des pays plus adaptés à la concrétisation de leurs rêves. C’est par exemple le cas d’Elon Musk qui a émigré d’Afrique du Sud aux Etats-Unis.

Segundo, les émigrés ou leurs enfants sont souvent plus ambitieux parce que les structures sociales de leurs pays d’adoption leur sont défavorables. Ils sont alors forcés de créer leurs propres entreprises pour décrocher le job dont ils rêvent. 

Le cas de la Chine est un peu exceptionnel car les créateurs d’entreprise à succès sont avant tout des locaux, à l’instar de Jack Ma, fondateur d’Alibaba. Mais j’observe que ces entrepreneurs ont rarement étudié dans des universités d’élite; pour cette raison, ils ont été obligés de fonder leurs propres sociétés pour atteindre un certain statut social.