Confronté à de réelles difficultés, qui se sont accélérées avec la crise du Covid-19, Selecta peut toujours s’appuyer sur Nestlé. Le leader européen de la distribution automatique de boissons, de snacks et de produits frais dans les entreprises et les lieux publics vient de signer un nouveau contrat de cinq ans avec la multinationale vaudoise. Ce qui fait du groupe zougois un distributeur des marques de café haut de gamme Starbucks, Nescafé et Zoégas pour l’ensemble du territoire européen.
«L’élargissement de notre collaboration avec Nestlé atteste de notre expertise dans ce domaine», affirme le CEO de Selecta, Christian Schmitz, dans un communiqué publié ce mercredi. L’entreprise domiciliée à Cham déploie déjà depuis sept ans son concept de café en self-service de Starbucks à travers l’Europe sur 14 marchés et sur plus de 2400 points de vente, notamment dans des hôpitaux, des universités ou encore des stations d’essence; et dans des cinémas ainsi que dans le commerce de détail pour la vente de plats à l’emporter. En servant chaque année plus de 35 millions de café Starbucks.
Si le café à l’emporter a connu une forte croissance durant ces dernières années, la pandémie a mis à mal ce développement en raison des confinements et de l’accroissement du télétravail en Europe. Par ailleurs, la concurrence ne dort pas, notamment dans les espaces publics tels que les gares. En Suisse en particulier, avec des sociétés comme Valora (KKiosk, Spettacolo, Brezelkönig), Coop ou Migros.
Selecta est ainsi contrainte de se transformer et de croître sur un marché européen encore fragmenté, avec une multitude de petites entreprises. La pandémie sert de catalyseur dans la douleur. L’extension du partenariat stratégique avec Nestlé est un bon signe. Au même titre que l’arrivée en mai dernier d’une nouvelle équipe de management, placée sous la férule de la firme américaine de private equity KKR, qui est aujourd’hui l’actionnaire principal du groupe zougois. En plus de Christian Schmitz, un ancien de KKR et de McKinsey, figure aussi Christian Gauthier, le directeur financier. Celui-ci a en particulier fourbi ses armes au sein groupe de luxe Kering. Quant au président exécutif, Joe Plumeri, il a été conseiller senior chez KKR.
Cette transformation englobe notamment la transition vers un modèle dit «glocal», c’est-à-dire l’emploi des ressources et capacités globales du groupe pour fournir une excellente exécution locale. Avec une organisation plus svelte et plus agile. Objectifs : soigner les relations avec la clientèle et les partenaires, en leur fournissant des services de qualité élevée pour les fidéliser et augmenter la rentabilité, en travaillant avec des marques internationales reconnues.
Cette ambition doit cependant faire face à l’endettement élevé de Selecta (avec un ratio de levier proche de 17x), qui résulte de plusieurs opérations de rachats par endettement (LBO), dont la dernière sous la houlette de KKR. La dette s’élevait, de ce fait, à près de 1,8 milliard d’euros au 30 septembre dernier. C’est un handicap, sinon rédhibitoire, du moins difficile à surmonter. Certes, une recapitalisation a eu lieu récemment avec l’apport de 175 millions d’euros, dont 125 millions d’argent frais. La structure d’organisation, les coûts ainsi que le fonds de roulement net ont été adaptés à la situation et la trésorerie préservée.
Le chiffre d’affaires consolidé a reculé d’environ 30% à 289,3 millions d’euros au troisième trimestre tandis que le résultat brut d’exploitation (Ebitda) corrigé a chuté de plus de moitié à 29,9 millions. C’est cependant mieux que prévu après un deuxième trimestre désastreux. Lors deux neuf premiers mois, un cash-flow libre a pu être généré (d’environ 50 millions), mais il est absorbé par les coûts financiers que Selecta doit payer.
En clair, Selecta n’est pas encore sorti de l’auberge. D’un candidat à une entrée en Bourse il y a encore moins de deux ans, cette société est devenue un cas d’assainissement. L’emprunt de 865 millions d’euros, avec un coupon de 5,875% et une échéance au début de 2024, l’illustre parfaitement. Il se négocie sur le marché des capitaux à 44%, soit un rendement à l’échéance d’environ 38%. Le risque crédit est ainsi jugé extrême. «C’est ce que l’on peut qualifier d’obligation pourrie dans le vrai sens du terme», déclare un analyste Credit chez Independant Credit View à Zurich qui n’établit plus d’analyse de solvabilité au sujet de l’opérateur européen de services de vente automatique.