Le potentiel d’innovation des sciences de la vie de l’Arc lémanique est reconnu à l’échelle mondiale. Une étude de BAK Economics de 2019, comparant dix régions à fort potentiel dans le monde, lui accorde la deuxième place pour les medtech et la troisième pour les biotech. Dans le classement de Startup Genome des start-up en sciences de la vie, elle apparaît à la septième place, en tant que première région non-anglosaxonne.
Le privé est à l'origine de 80% des investissements en R&D
C’est notamment sa grande densité qui l’explique: hôpitaux universitaires, hautes écoles, centres de recherches, entreprises bien établies, compétences logicielles ou encore l’industrie de précision se trouvent à quelques kilomètres l’un de l’autre. La diversité est l’autre élément distinctif fort: «Nous avons la taille critique dans une bonne douzaine de domaines», relèvent Magali Bischof et Claude Joris, responsable projet et secrétaire général de l’association BioAlps, cités dans l’étude sur les sciences de la vie présentée par la CCIG jeudi. Ils soulignent aussi la forte interaction entre le monde académique et le secteur privé. Ce dernier est à l’origine de 80% des investissements en recherche et développement.
Importance et potentiel sous-estimés
Les sciences de la vie ne sont pourtant pas nécessairement considérées en tant que pôle de compétences de la région lémanique. La dernière étude réalisée par Aline Yazgi en collaboration avec la BCGE et l’Office cantonal des statistiques (OCSTAT) sur mandat de la CCIG recense pourtant son importance. D’après BioAlps, la Suisse romande compte plus de 1100 entreprises et 39 instituts de recherche de pointe dans ce domaine. A Genève, selon les analyses et calculs de l’OCSTAT, il y a près de 500 établissements actifs dans ce domaine au sens strict (hors fabrication de parfums et de produits pour la toilette ou laboratoires médicaux). Le canton dispose aussi de nombreuses structures d’accompagnement pour «transformer l’innovation en valeur économique et en emplois», selon l’étude.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) domiciliée à Genève permet aussi à l’Arc lémanique de se distinguer. Pour l’heure, les contacts entre la Genève internationale, notamment des ONG qui ont des structures d’innovation, et les entreprises des sciences de la vie du canton sont cependant encore peu nombreux. Il s’agit donc d’un potentiel à mieux exploiter.
Le CERN toujours plus ouvert au médical
Le CERN est un autre facteur qui va monter en puissance ces prochaines années. Les liens entre la physique et les applications médicales deviennent plus nombreux, et les relations entre le CERN et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) plus étroites. La physique des particules a fait progresser l’imagerie médicale notamment. De plus en plus de chercheurs du CERN se font d’ailleurs engager par des entreprises et start-up du domaine médical, voire créent eux-mêmes des sociétés.
Le grand groupe qui consolide l'écosystème fait défaut
Depuis le départ de (Merck) Serono, un facteur important fait cependant défaut à Genève, qui lui fait perdre du terrain par rapport à Bâle, où il y a notamment Roche, Novartis et Actelion: la présence d’un grand groupe. Selon Antoine Geissbuhler, qui occupe des fonctions dirigeantes aux HUG et à l’Université de Genève, «de grosses structures consolident l’écosystème, en attirant des capitaux et en renforçant la visibilité».
Les start-up manquent-elles d’ambition pour poursuivre leur chemin de manière indépendante plutôt que de se faire acquérir? Pour Aline Yazgi, «leur besoin de s’associer à de grands groupes notamment pour financer des études cliniques peut effectivement être un frein à ce développement. Mais certaines sociétés arrivent à collaborer avec des géants tout en conservant leur indépendance. Biogen, qui est né à Genève, montre que c’est possible.»