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«FlowBank fera beaucoup mieux que Synthesis»

Charles-Henri Sabet lance ce mercredi à Genève sa nouvelle banque numérique. L’établissement compte déjà plus de 90 employés et vise une clientèle globale.

"De plus en plus de jeunes veulent investir", estime Charles-Henri Sabet, fondateur de Flowbank.
"De plus en plus de jeunes veulent investir", estime Charles-Henri Sabet, fondateur de Flowbank.
24 novembre 2020, 18h27
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Ce mercredi est le jour J pour Charles-Henri Sabet. L’entrepreneur lance sa nouvelle banque en ligne qui concurrencera Swissquote, Saxo Bank, IG Bank, voire Revolut. Basé à Genève, dans le nouveau quartier d’affaires de Lancy Pont-Rouge, l’établissement veut démocratiser les services bancaires et l’investissement en étant «la banque la plus compétitive de Suisse en termes de prix». FlowBank marque le retour du banquier en terres genevoises, vingt ans après avoir créé la banque Synthesis à la fin des années 1990. Entretien.

>Positionnement face à la concurrence

FlowBank va opérer sur un marché concurrentiel, avec d’autres courtiers en ligne comme Swissquote, Saxo Bank qui sont déjà bien installés. Sans oublier les néo-banques comme Revolut, ou à la récente offensive de Credit Suisse avec CSX. Comment comptez-vous vous faire une place?

L’environnement est concurrentiel. Nous pourrions aussi rajouter à la liste Dukascopy et IG Bank. Mais tous ces acteurs ne sont pas identiques. Credit Suisse est une grande banque globale. Elle espère fidéliser sa clientèle grâce à son app.Pour ce qui est de Revolut, ce n’est pas une banque. On la qualifie de néo-banque. Je n’aime pas trop ce terme, car les néo-banques ont souvent des activités limitées et ont généralement de la peine à être rentables. D’après moi, Revolut, qui a un modèle d’affaires basé sur l’acquisition de clients extrêmement actifs, se profile à terme comme une société de services.

De son côté, FlowBank peut s’identifier à SaxoBank ou à Swissquote, car nous allons proposer des investissements divers, tant traditionnels que des produits à effet de levier. Cela dit nous avons l’intention de nous diversifier et d’être unique à plus long terme. Le tout grâce à une application mobile et à une plateforme à la technologie avant-gardiste.


D’après Moneyland.ch, une année sur Swissquote comme «trader occasionnel» coûte 678 francs (compte, frais de transaction...), contre 3421 francs si l’on est trader régulier. Et chez FlowBank?

Nous serons la banque la plus compétitive de Suisse en termes de prix. Et cela grâce à notre technologie qui nous garantit une rapidité d’exécution et qui nous permet de profiter d’économies d’échelle. En bref, plus nous avons de clients, plus nous pouvons être compétitifs. Le fait d’avoir des volumes importants nous permettra d’avoir des conditions qui seront très intéressantes pour nos clients. Avec London Capital Group, nous faisons entre 80.000 et 100.000 transactions par jour. J’espère qu’avec FlowBank nous en ferons rapidement beaucoup plus, comme actuellement nos concurrents.


Vous mettez en avant votre plateforme. Comment peut-on mesurer votre avancée technologique? 

Par rapport à certains compétiteurs, notre idée est de regrouper dans un seul environnement toutes nos classes d’actifs. Notre technologie de pointe est similaire à celle des meilleurs, ce qui nous permettra de grandir. En revanche, les autres concurrents qui ont moins fait évoluer la leur seront à la peine. Cela veut dire qu’ils ont additionné des softwares les uns sur les autres, ce qui est par la suite difficile à faire évoluer. Notre valeur ajoutée est de proposer tous les sous-jacents et toutes les classes d’actifs, sous toutes formes depuis le même logiciel.


A combien s’élèvent les frais de garde? Généralement, les banques traditionnelles perçoivent une commission de 0,20% sur les dépôts.

Ce sera 0,10%. Mais nous n’offrons pas que cela. Nous proposons du trading, des opérations de change, sur métaux précieux, sur des indices, tout ceci avec des «spreads» très étroits sur lesquels nous n’appliquons pas de commission. En fin de compte, nous avons d’un côté un système d’investissement cash avec commissions qui sont très compétitives. Et de l’autre un système de trading avec des «spreads» serrés et sans commission.


A ce propos, quel est le montant de dépôt minimal (2000 francs chez Saxo Bank par exemple)?

Nous n’allons pas imposer un montant minimum. Etant donné que nous proposons des investissements, nous pensons que les clients sauront adapter leur montant par eux-mêmes. Il faut que chacun se sente à l’aise avec le montant qu’il investit.


Vous dites assurer en Suisse une assistance clientèle 24 heures sur 24 et 5 jours sur 7. Cela doit vous coûter cher...

Bien sûr que ça coûte cher. Nous sommes ouverts du dimanche 22h à vendredi 23h, heure suisse. C’est un effort financier, car nous voulons être une banque suisse, en Suisse. Pour moi, il n’y avait pas photo lorsqu’on a réfléchi à la question: tous nos centres d’appels devaient être basés ici, pour la qualité et la fiabilité du service proposé.  Parmi nos concurrents, si vous les appelez à une certaine heure, vous risquez d’atterrir à Singapour, en Angleterre ou au Danemark.


Pourtant, vous ne vous visez pas à une clientèle exclusivement basée en Suisse?

Pas du tout. Mais au niveau des services bancaires et de la finance, la main d’œuvre suisse est très qualifiée. Dans certains pays, les personnes n’ont pas le niveau pour pouvoir répondre aux demandes des clients. A Genève, nous avons près de 25 personnes qui ont suivi une formation spéciale de cinq mois pour cela.


Avez-vous obtenu une autorisation du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) pour le travail de nuit? La plateforme de e-commerce QoQa est en justice sur cette question. Et pourquoi est-ce important d’être opérationnel toute la nuit?

Les personnes qui travaillent la nuit font partie des équipes de trading et sont tout à fait autorisées à le faire. Il est important d’être disponible la nuit tout simplement à cause de notre offre. Je pense qu’il serait malhonnête de notre part de dire que nous sommes fermés de 18h à 8h le lendemain matin. Imaginez que vous vous réveillez en pleine nuit pour acheter une action sur la Bourse de Tokyo et que vous rencontrez un problème technique sur notre plateforme. Il faut qu’on puisse vous répondre dans l’immédiat, même si c’est 2h du matin en Suisse.


Combien de collaborateurs sont-ils dédiés à cette assistance clientèle?

A Genève, nous comptons un peu plus 90 employés, dont 25 environ seront opérationnels pour les centres d’appel, soit plus de 20% des effectifs.


Vous annoncez intégrer prochainement les actions fractionnées, ce qu’offre déjà Revolut. Ce service permet à des investisseurs particuliers d’investir plus facilement dans des actions au cours très élevé. Doit-on comprendre que vous vous adressez plutôt à de petits traders?

Nous visons une clientèle globale. Les actions fractionnées représentent une facilité de traiter une action. La pratique commence à se généraliser notamment aux Etats-Unis. Nous voulons la proposer aussi en Suisse pour aider certaines personnes à s’initier à la finance. Il y a aujourd’hui plus de personnes intéressées qu’il y a quinze ans, grâce à l’ouverture d’internet et des réseaux sociaux. Parmi ce nouveau public, ce sont de plus en plus de jeunes qui veulent investir, mais qui n’ont pas forcément les moyens de s’offrir une action Amazon à 3000 dollars. Les actions fractionnées leur permettent d’acheter 5% d’une telle action à 150 dollars par exemple. Nous allons commencer par ce qui est en vogue, comme la pharma, la technologie, le luxe.


Quid des cryptoactifs? 

On y viendra. Nous avons décidé de nous concentrer pour commencer sur des actifs où nous sommes capables de délivrer une valeur ajoutée à nos clients, en termes de prix ou de service. Mais je pense qu’à l’avenir, chaque père de famille possédera 3% de son portefeuille en bitcoin, comme actuellement avec l’or et nous serons là pour le servir.


Dans 18 mois, quels sont vos objectifs en termes de taille de nombre d’actifs traités

et nombre de clients?  

Nous avons un budget marketing qui vise à acquérir plusieurs milliers de clients par mois. En ce qui concerne les produits, nous avons un pipeline de plus de 100.000 sous-jacents dans la plateforme, que ce soit des investissements traditionnels ou plus exotiques.  En termes de développement, nous allons ouvrir des bureaux à Zurich dans la première moitié de l’année. Nous avons aujourd’hui plus de 90 collaborateurs, et devrions rester stables pour quelque temps. Nous restons néanmoins ouverts pour engager des ingénieurs en software.


>Nouveau pari après le succès de Synthesis


Ces six dernières années, vous étiez basé à Londres, où vous dirigiez London Capital Group (LCG). Pourquoi avez-vous décidé de revenir à Genève pour lancer Flowbank?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que je suis Suisse, ma femme et mes enfants aussi. Nous voulions revenir y habiter. Ensuite, le terme de «banque suisse» est une marque de renommée mondiale. 


Pourtant, la Finma considère votre établissement comme une «banque sous domination étrangère», au même titre que Goldman Sachs, Arab Bank ou Intesa Sanpaolo par exemple. Pourquoi?

Parce que je détiens encore des parts au travers d’une société étrangère.


Votre retour après Synthesis n’est pas passé inaperçu. Vous êtes étiqueté comme étant le vétéran du trading, comme le précurseur du courtage en ligne. Il sera difficile de faire aussi bien que votre précédente expérience genevoise…

Non, au contraire je pense que nous allons faire beaucoup mieux. Opérer en ligne est entré dans les mœurs aujourd’hui, et pas que dans la finance. FlowBank se positionne plus facilement au niveau du client que Synthesis à l’époque. Notre modèle est de satisfaire les clients, et c’est ce qui me motive peut-être le plus aujourd’hui. Je pense pouvoir amener quelque chose de nouveau dans ce marché. Autre différence par rapport à ma première expérience, mon équipe actuelle est extrêmement expérimentée. Alors qu’en 2000, nous étions des pionniers.


Revenons en arrière. Synthesis Bank avait été fondée dans les années 90 et s’était reconvertie au négoce en ligne en 2004. Après le rachat par Saxo Bank, vous étiez dans un premier temps resté dans le groupe. Puis, vous avez été écarté fin 2008. Quelle a été la fin de l’histoire?

Il y a eu un accord (settlement) afin que chacun puisse avancer de son côté. Il y avait une très mauvaise ambiance au niveau de la direction du Groupe. Je pense que cela a été une mauvaise expérience pour tout le monde qui s’est mal terminée aussi de leur côté puisque les deux CEO se sont ensuite séparés. Cela dit, je ne regrette pas du tout d’avoir fusionné avec eux, l’idée industrielle était juste.


A ce propos, à combien s’était montée la vente de Synthesis en 2007?

Je l’ai très bien vendue, en en tirant profit moi-même et aussi certaines personnes de la direction actionnaires aussi.


Selon le classement du magazine Bilan, vous disposeriez d’un patrimoine de 100 à 200 millions francs. Est-ce une bonne estimation?

J’en suis très flatté. 


>Conditions-cadres et puissance des GAFA


En Suisse, beaucoup de banques sont inquiètes parce que l’accès au marché européen est compliqué, voire impossible sans présence sur place. Qu’en est-il pour une banque en ligne comme vous?

Il y a des accords transfrontaliers qui existent si vous avez des filiales ou des succursales dans certains pays. En possédant le groupe LCG, FlowBank dispose toutes les licences pour opérer en Europe. Si vous prenez nos concurrents, Saxo Bank est au Danemark, IG Bank à Londres, Swissquote à Malte et au Luxembourg et Dukascopy en Lettonie. Ça leur donne un passeport européen.


La Libra, cette cryptomonnaie que souhaite lancer Facebook cette année, n’a pas pris son envol. Comment l’expliquez-vous?

Il est évident que lorsqu’une société comme Facebook veut devenir émetteur de monnaie, des gouvernements et des banques centrales vont commencer à lui poser problème. David Markus, qui gère le projet, est bien connu de la place financière genevoise. Je pense qu’ils vont la lancer à la fin de l’année. Je pense que Libra sera un succès.


Le fait que Google, Apple ou Amazon propose aussi des prestations financières est aussi un fait. Qu’est-ce que cela signifie pour les banques établies?

Vous avez pu voir que Google offre maintenant des chéquiers aux Etats-Unis depuis son app, et ce n’est qu’un début. D’ici peu, tout le monde aura un compte en banque chez Apple ou Facebook.

Propos recueillis en collaboration avec Frédéric Lelièvre