Réunis mercredi en assemblée générale extraordinaire, les actionnaires de Credit Suisse ont donné leur feu vert à l'augmentation de capital en deux volets d'un montant total de 4 milliards de francs. L'opération, qui consacre notamment l'entrée dans le capital du numéro deux bancaire helvétique de l'établissement saoudien Saudi National Bank (SNB), doit permettre à la banque de financer sa restructuration et de reconstituer sa base de fonds propres.
Le premier volet de l'opération, réservé aux investisseurs qualifiés, dont Saudi National Bank, a été approuvé à une majorité de 91,97% des voix représentées, précise mercredi Credit Suisse dans un communiqué. L'opération interviendra sous la forme d'un placement privé d'un maximum de quelque 462 millions de nouvelles actions à émettre, d'une valeur nominale de 0,04 franc chacune, avec suppression des droits de souscription pour les actionnaires existants. Le placement de titres proposé a ainsi obtenu plus de la majorité qualifiée de deux tiers requise.
Pour ces investisseurs qualifiés, le prix d'émission a été fixé à 3,82 francs par titre, l'action du numéro deux bancaire helvétique se négociant mercredi vers 11h25 à 3,645 francs, soit un repli de 5,47%.
SNB s'est engagé à acheter plus de 307,5 millions de nouveaux titres sur les plus de 462 millions à émettre. A l'issue de l'augmentation de capital, l'institut saoudien devrait ainsi détenir 9,9% du capital-actions de la banque aux deux voiles.
L'établissement basé à Djeddah, ainsi que les autres investisseurs qualifiés, se sont engagés à ne pas vendre les nouvelles actions avant la date de règlement de l'offre de droits ultérieure et à exercer tous les droits qui seront attribués aux actions à acquérir. S'appuyant sur des sources dites proches du dossier, le Financial Times affirme que le fonds souverain qatari, Qatar Investment Authority (QIA), déjà détenteur d'une participation d'un peu plus de 5% dans Credit Suisse, devrait aussi participer à l'opération.
Nous voulons créer la stabilité et les bases d'une future croissance rentable dans les un à deux ans à venir
Axel Lehmann, président du conseil d'administration de Credit Suisse
Huis-clos critiqué
Les propriétaires de Credit Suisse ont également donné leur aval au second volet de l'augmentation de capital, réservé aux actionnaires existants. Se présentant sous la forme d'une offre de souscription sur un maximum d'environ 1,76 milliard d'actions nouvelles à émettre d'une valeur de 0,04 franc chacune, elle a recueilli pas moins de 98,31% des voix représentées, une majorité simple étant requise.
Credit Suisse présentera les conditions définitives de l'offre jeudi. L'assemblée générale extraordinaire s'est déroulée à huis-clos, sans participation physique des actionnaires, Credit Suisse justifiant la décision par l'ordonnance du Conseil fédéral sur les mesures de lutte contre la pandémie coronavirus, en vigueur jusqu'à la fin de l'année. Certains actionnaires, dont la fondation genevoise Ethos et l'association de conseils aux actionnaires Actares ont critiqué cette mesure, la banque n'ayant pas même prévu une retransmission vidéo.
Cité dans le communiqué, le président du conseil d'administration de Credit Suisse, Axel Lehmann, a salué une «étape importante», laquelle vient confirmer la confiance des propriétaires de l'établissement dans la stratégie présentée en octobre. M. Lehmann s'est dit convaincu des progrès réalisés au cours des dernières semaines dans la mise en oeuvre des mesures annoncées il y a près d'un mois.
«Nous voulons créer la stabilité et les bases d'une future croissance rentable dans les un à deux ans à venir», a souligné le président de l'organe de surveillance. Tout est mis en oeuvre pour reconstruire et réorienter la banque au bénéfice «de 166 ans de tradition et d'une portée mondiale». «Nous sommes convaincus qu'avec le conseil d'administration, la direction et nos collaborateurs, nous pouvons remettre la banque sur les rails et la conduire durablement vers le succès - pas à pas», a-t-il martelé. (AWP)
La banque anticipe une perte de 1,5 milliard
Poursuivant sa réorganisation et faisant face à un environnement difficile et de conséquentes sortie de fonds, Credit Suisse se prépare à inscrire des chiffres rouges vifs en 2022. Pour le 4e trimestre, le numéro deux bancaire helvétique anticipe une perte avant impôts pouvant atteindre 1,5 milliard de francs. Et un débours est aussi attendu pour les activités clefs de gestion de fortune.
Face à la baisse des dépôts et des actifs sous gestion, une contraction des produits d'intérêts, des commissions ainsi que des frais récurrents est attendue, constate mercredi l'établissement zurichois en préambule à l'assemblée générale extraordinaire devant avaliser une augmentation de capital de près de 4 milliards de francs. La division de la gestion de fortune, Wealth Management, devrait ainsi achever le dernier trimestre sur une perte.
Credit Suisse précise avoir connu au cours des premières semaines d'octobre 2022 des sorties de capitaux nettement plus importantes, celles-ci se montant au niveau du groupe à près de 6% des actifs sous gestion en date du 11 novembre et à environ 10% des avoirs gérés par Wealth Managment à l'issue du 3e trimestre. Selon les calculs de JPMorgan, ces retraits culminent à 84 milliards de francs, dont 64 milliards pour la seule activité de gestion de patrimoine.
Si les reflux de fonds se sont réduits au regard des premières semaines d'octobre, aucun retournement de tendance n'est pour l'heure en vue, avertit encore la banque aux deux voiles.
Lourde perte attendue dans la banque d'affaires
Du côté de la banque d'affaires, l'impact de l'abandon d'activités et «d'expositions non essentielles» sur les revenus devraient entraîner une perte substantielle, poursuit Credit Suisse. Ce dernier secteur est touché par le fort ralentissement des marchés de capitaux et la réduction des activités de vente et de négoce, lesquelles exacerbent les baisses saisonnières normales. Et Credit Suisse ne prévoit aucune embellie des conditions de marché, qui devraient perdurer dans les mois à venir. Les activités helvétiques de la banque se sont en revanche stabilisées.
Conséquence de cette cinquième perte trimestrielle d'affilée, le résultat avant impôts de l'ensemble de l'année 2022 devrait s'afficher dans le rouge à près de 3,4 milliards de francs, après un débours de 522 millions de francs en 2021. Pour mémoire, il faut remonter à 2008 et à l'épisode de la crise financière pour observer le plus gros déficit annuel net de la banque, celui-ci ayant alors atteint le montant abyssal de 8,22 milliards. Et depuis 2015, Credit Suisse a bouclé quatre exercices dans le rouge.
Les mesures stratégiques visant à réduire les risques pèseront sur la performance financière à court terme, rappelle Credit Suisse. Dans le cadre de la réorganisation, la banque a déjà cédé sa participation dans Allfunds Group, et prévoit de comptabiliser une perte de près de 75 millions de francs à ce titre.
Sur le quatrième trimestre, les charges de restructuration et autres dépréciations se monteront comme attendu à près de 250 millions de francs. Mais la performance finale dépendra notamment des résultats d'Investment Bank pour le reste du trimestre, de la poursuite des cessions ainsi que d'éventuels ajustements de goodwill, entre autres. (AWP)