27 octobre 2020, 22h36
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«Cet été, nous avons sauvé les meubles. Nous espérons à nouveau pouvoir le faire cet hiver.» Le directeur des remontées mécaniques de Moléson dans le canton de Fribourg, Antoine Micheloud, craint une fermeture de ses installations. «Une mise à l’arrêt pourrait déjà intervenir à Noël», prévient celui qui siège également au comité de l’association faîtière des Remontées mécaniques suisses.
Le Gruyérien cède-t-il à l’alarmisme? Pas si l’on en croit le ministre de la Santé, Alain Berset. «J’espère que nous pourrons skier, même si pour l’instant la situation sanitaire n’est pas très bonne. En soi, le ski ne pose pas de problème. Celui-ci se situe plutôt dans les transports, dans les cantines et lors des après-ski», expliquait le conseiller fédéral, la semaine passée, dans une interview avec L’Agefi.
La Confédération pourrait annoncer, ce mercredi, de nouvelles mesures alors que le nombre de contaminations au coronavirus augmente et que plusieurs hôpitaux se trouvent proches de la saturation.

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Une saison cruciale
En cas de fermeture imposée par les autorités, Antoine Micheloud espère une prolongation du chômage partiel, même si cette mesure ne suffira pas à sauver tous les domaines skiables. Si le patron écarte tout risque de faillite pour Moléson, il indique que plusieurs sociétés pourraient ne pas se relever. «Les investissements sont importants dans notre secteur notamment dans l’enneigement mécanique. Il ne faut pas un trou d’un million de francs pour engendrer des situations irréversibles», s’inquiète-t-il. Selon les Remontées mécaniques suisses, la branche a subi un manque à gagner de plus de 300 millions de francs en raison de la fermeture précoce des domaines skiables en mars. En moyenne, les remontées mécaniques réalisent 75% de leur chiffre d’affaires en hiver. D’après le Fribourgeois, il vaut la peine de maintenir les installations ouvertes malgré les restrictions sanitaires (lire encadré). Les remontées mécaniques sont le moteur de l’activité touristique en hiver. Elles engendrent des retombées positives dans la restauration et l’hôtellerie notamment. «Dans notre région, les réservations fermes de nuitées ont de la peine à rentrer», déplore toutefois le Gruyérien qui ne s’aventure pas à faire des pronostics sur son futur chiffre d’affaires. «La situation est trop incertaine. Cet été, nos remontées mécaniques ont accusé une perte de 30 à 40%.» «Avec cette situation très évolutive, impossible d’élaborer des projections et des budgets», abonde Laurent Vaucher, directeur de Téléverbier. Une seule certitude: le CEO table sur une ouverture de ses installations début novembre durant le week-end. Les pistes seront, elles, ouvertes sept jours sur sept à partir de décembre, sauf décision contraire des autorités. A Saas Fee et Zermatt notamment, les Suisses peuvent déjà skier. Le nombre d’étrangers sur ces pistes reste quant à lui très limité, notre pays figurant sur la liste rouge de plusieurs Etats dont l’Allemagne.Capitaliser sur les Suisses
Durant la saison hivernale, Téléverbier accueille majoritairement des hôtes venus d’ailleurs. Une fermeture totale des frontières ne serait donc pas la bienvenue même si la société dit disposer d’une bonne assise financière. Pour le président des remontées mécaniques valaisannes Didier Défago, le point d’interrogation se situe précisément au niveau des stations qui travaillent avec beaucoup de clientèle étrangère. «Cet été, les touristes locaux ont compensé la quasi absence d’étrangers. Cet hiver ils risquent toutefois de ne pas y parvenir», avertit Laurent Vaucher. Et de lancer un appel: «Profitez du ski!» Le Valaisan compte bien à nouveau capitaliser sur les Suisses: «Nous relançons cette clientèle notamment les Alémaniques, très présents cet été». Si les pistes restent ouvertes, Laurent Vaucher émet même l’hypothèse que les Helvètes pourraient davantage skier. «Les contaminations à la Covid-19 se produisent souvent dans des lieux fermés. Or le ski se pratique dans de grands espaces à l’air libre. Dans les remontées mécaniques, le port du masque est obligatoire et les trajets ne dépassent rarement dix minutes.» Un avis partagé par Antoine Micheloud pour qui les raquettes et le ski de randonnée pourraient faire un carton ces prochains mois puisque les Suisses resteront en Suisse. Ces deux sports présentent aussi de très faibles risques de contaminations et un fort sentiment de liberté en cette période de restrictions. «Il y a déjà des signaux positifs, avec la neige qui arrive, notre souci numéro un. Certaines stations ont leurs préventes d’abonnements de saison qui s’avèrent satisfaisantes», conclut Didier Défago.Le MagicPass parvient à attirer 110.000 abonnés
La coopérative du Magic Pass, qui a donné une conférence de presse mardi, reste optimiste. L’abonnement de saison commun à 34 stations de ski fait de plus en plus d’adeptes. Les ventes de ce forfait à prix cassé sont en hausse de 5%, ce qui représente 2 millions de francs et 110.000 abonnements. L’administrateur du Magic Pass, Sébastien Travelletti, se réjouit de ce résultat alors qu’une grande station manque à l’appel cette année. Crans-Montana a en effet décidé de ne plus être associé à cette offre. La destination valaisanne a signé son propre contrat avec la coopérative. Pour profiter des pistes du Haut-Plateau, les détenteurs du Magic Pass doivent désormais s’acquitter d’environ 170 francs en plus des 549 francs de l’abonnement de base. Et ils ne peuvent pas y skier durant Noël et Carnaval. Selon Sébastien Travelletti, cette nouvelle possibilité est peu prisée des abonnés. Moléson fait, elle, partie des 34 stations du Magic Pass. Antoine Micheloud y voit une sécurité supplémentaire: «Ce pass? C’est de l’argent déjà en caisse». D’après Sébastien Travelletti, certaines remontées mécaniques réalisent entre 50 et 60% de leur chiffre d’affaires via ce forfait qui séduit surtout une clientèle nationale.Des règles strictes pour protéger les skieurs et des prix pouvant aller du simple au double pour les forfaits journaliers
Cet hiver les skieurs devront sortir masqués. Selon Sébastien Travelletti, une protection bucco-nasale sera nécessaire dans les files d’attente, les restaurants, les télécabines et les télésièges à bulle. A Verbier, Laurent Vaucher renforcera son staff dans les restaurants et au départ des remontées mécaniques afin de veiller au bon respect des règles sanitaires. Il prévoit également de placer des marquages au sol et de mettre à disposition de ses clients des masques ainsi que du désinfectant. «Aux points d’information, il y aura aussi du personnel pour éviter que tout le monde se retrouve les uns sur les autres», précise-t-il. Comme les autres transports publics, les remontées mécaniques ne prévoient aucune restriction de capacité. La Suisse compte plus de 2400 remontées mécaniques employant environ 16.000 collaborateurs. Ce secteur réalise 1,4 milliard de francs de chiffres d’affaires annuel. Sur le plan des tarifs, la facture peut aller du simple au double pour le skieur. La taille du domaine explique grandement cette différence. La saison dernière, les prix ont augmenté de 2,56 francs en moyenne, soit de 4,1%, selon une étude des Remontées mécaniques suisses. Ce renchérissement ne reflète toutefois pas une tendance généralisée, puisque seules 41% des stations ont augmenté leurs tarifs. Le prix moyen du forfait journée adulte plein tarif s’est établi, pour la saison 2019/20, à 64,88 francs, contre 62,32 francs l’hiver précédent. Cette année, les prix se sont stabilisés, selon Didier Défago. En cas de confinement, les remontées mécaniques proposent des remboursements ou des prolongations de l’abonnement de saison.
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