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Batmaid, un modèle à suivre pour Uber?

Alors qu’Uber poursuit son bras de fer pour ne pas requalifier ses chauffeurs en employés, Batmaid en Suisse s’apprête à proposer ce choix à ses agents de ménage. Son CEO, Andreas Schollin-Borg, estime toutefois qu’un statut spécifique manque dans le droit helvétique.

«Le droit suisse doit penser à un modèle économique en phase avec l’époque», revendique Andreas Schollin-Borg, CEO de Batmaid et aussi membre du conseil d'administration de «L'Agefi».
«Le droit suisse doit penser à un modèle économique en phase avec l’époque», revendique Andreas Schollin-Borg, CEO de Batmaid et aussi membre du conseil d'administration de «L'Agefi».
16 octobre 2020, 17h48
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Salariés ou indépendants? La question du statut des travailleurs reste d’actualité. Pas plus tard qu’hier, quelques centaines de personnes ont manifesté à San Francisco contre Uber et sa proposition d'accorder des avantages sociaux aux chauffeurs sans les requalifier en employés, en porte à faux avec la loi californienne. En Suisse, la plateforme de ménage à domicile Batmaid a pour sa part décidé de muer. À partir du 1er janvier 2021, ses agents de ménage auront la possibilité d’être employés par la compagnie, considérée comme la principale du secteur en Suisse. Un changement de taille et de modèle d’affaires conséquent pour celle que certains surnomment «l’Uber du ménage». Le coût pour devenir employeur est estimé à environ un million de francs par Batmaid. Lancée en 2015, la société vaudoise se voulait jusqu’ici une plateforme de mise en relation de services, à l’instar géant californien Uber. Un statut d’intermédiaire qui lui a valu aussi quelques désaccords avec le syndicat Unia l’an dernier. Alors, Batmaid a-t-il cédé à la pression? «Absolument pas», rétorque Andreas Schollin-Borg, CEO et cofondateur de l’entreprise ainsi que membre du conseil d’administration de L’Agefi. «À l’avenir, les agents de ménage auront le choix d’être salariés par Batmaid ou de rester salariés par les privés qui les emploient. Notre but est de donner davantage de choix aux gens qui utilisent la plateforme et de redonner plus de sécurité au milieu du nettoyage à domicile.» Un modèle applicable à Uber et les chauffeurs VTC? «La question n’est pas de se dire si Uber doit suivre notre modèle ou non. La problématique est plutôt sociétale: souvenons-nous, les premiers insatisfaits de l’arrivée d’Uber étaient les chauffeurs de taxis. Le cœur du problème est le droit suisse, qui devrait changer selon moi, revendique Andreas Schollin-Borg. Pour le bien de tous, il faut donner le choix et la flexibilité. Les personnes qui occupent des emplois «modernes» se retrouvent dans des situations parfois ambiguës, car, selon les critères en vigueur, certaines formes de travail ne peuvent pas être clairement attribuées à l’indépendance ou au travail salarié. C’est pourquoi je crois que le droit suisse doit penser à un modèle économique en phase avec l’époque, plus agile, poussant l’individu à s’affranchir du carcan du salariat pour embrasser une carrière professionnelle qu’il façonnera selon ses envies et ses besoins.»  Ultralibéral, le cofondateur de Batmaid milite pour un nouveau statut propre aux travailleurs de ce type de plateformes. Une nouvelle position qui serait particulièrement adaptée aux activités de courte durée, occasionnelles ou irrégulières. Elle pourrait être aussi utilisée lorsqu’il est difficile de clairement qualifier une activité. Pour  Andreas Schollin-Borg, l’avenir du travail sera dématérialisé, multitâche et multicasquette – les individus seront tantôt indépendants, tantôt salariés ou les deux en même temps. «Puisque le travail se fragmente, puisque la multi-activité augmente, puisque les entreprises externalisent davantage, puisque la réalité des actifs est de changer de casquette... ne faudrait-il pas qu’un seul statut: celui d’actif?», questionne Andreas Schollin-Borg. Quid des couvertures sociales? Pour le CEO de Batmaid, ce travailleur hybride bénéficierait d’une couverture forfaitaire pour la prévoyance professionnelle et la perte de gain, mais les prestations de l’assurance chômage en resteraient exclues. «Le numérique modifie les pratiques et les échanges. La demande d’autonomie et de polyvalence exige une refonte de nos systèmes de protection sociale, celle qui va concerner les seniors de demain, c’est-à-dire celles et ceux qui sont aujourd’hui précarisés par leur statut parce qu’ils ne cotisent pas suffisamment». Aujourd’hui Batmaid recense 1700 agents de ménages sur son site pour 50.000 comptes clients. Avant son grand virage en tant qu’employeur, le chiffre d’affaires de la société s’élevait à «plusieurs dizaines de millions».