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SVB, un chaos micro réglé en oubliant le risque macro

L’implosion de petites banques aux Etats-Unis génère une immense confusion et une fuite vers la sécurité. De quoi influencer les décisions de la Fed.

Keystone
En début de semaine, les avertissements émis par Jerome Powell avaient conduit les investisseurs à réviser la trajectoire de la politique monétaire de la Réserve Fédérale.

La déconfiture de deux banques américaines de deuxième catégorie, dont la désormais fameuse Silicon Valley Bank (SVB), a subitement occulté l’actualité macroéconomique et réactualisé le concept de «Fed put». En début de semaine, les avertissements émis par Jerome Powell avaient conduit les investisseurs à réviser la trajectoire de la politique monétaire de la Réserve fédérale. L’augmentation de 0,25 point de pourcentage du taux d’intérêt des Fed Funds attendue le 22 mars a fait place à un relèvement de 0,5 point. Dans le même registre, le taux d’intérêt «terminal» du cycle de resserrement a encore une fois été revu à la hausse vers une marge comprise entre 5,5% et 5,75%, poussant le rendement du T-Note à 2 ans tout près de 5,1%!

Ce scénario a toutefois été brutalement annihilé par l’implosion de la SVB suite à une tentative infructueuse de recapitalisation déclenchant des retraits massifs (un «bank run») auxquels la banque ne pouvait pas répondre sans réaliser des pertes importantes sur un portefeuille d’actifs déprécié par le relèvement agressif des taux d’intérêt. Sans surprise, la crise SVB nous vaut des analogies discutables avec la crise de 2008 et des diagnostics de «Lehmann moment» débouchant sur une crise systémique majeure.

Des avertissements de Powell rendus caducs

Conscientes des risques de contagion, les autorités fédérales ont planché tout le week-end pour endiguer une crise qui relève de la microéconomie. Le Département du Trésor, la Réserve fédérale et la FDIC (en charge de l’assurance des dépôts) ont pu ainsi annoncer un ensemble de mesures permettant aux déposants d’accéder à l’ensemble de leurs avoirs (au-delà du plafond de 250.000 assurés aux Etats-Unis). Dans la foulée, les autorités ont aussi annoncé la fermeture de la banque Signature confrontée à des retraits massifs vendredi passé. Ces liquidations ne devraient théoriquement rien coûter aux contribuables (les pertes étant assumées par les actionnaires et les créanciers non protégés).

Les événements se sont amplement répercutés sur le marché obligataire où les avertissements de Jerome Powell sont jugés caducs. Les anticipations ont à nouveau basculé vers un relèvement de taux d’intérêt de 0,25 point, voire le statu quo, et un taux terminal inférieur à 5% impliquant une fin de cycle le 22 mars! En bref, l’implosion de la SVB a fait l’effet d’une bombe sur les marchés financiers malgré son caractère a priori microéconomique. Le risque systémique et le spectre d’une nouvelle «grande crise financière» ont relégué l’actualité macroéconomique à l’arrière-plan pour une durée qui dépendra de la capacité des autorités à rétablir la confiance des investisseurs.

Occulté par la chute potentiellement contagieuse de SVB, le rapport de l’emploi publié vendredi fait état de la création de 309.000 postes en février. L’enquête réalisée auprès des ménages traduit cependant un redressement du taux de chômage à 3,6% (après 3,4% en janvier) qui résulte d’une augmentation du taux de participation. Le salaire horaire moyen affiche une progression mensuelle modérée de 0,2% (4,6% sur douze mois) qui autorise une approche graduelle, voire une pause si l’instabilité du secteur bancaire devait perdurer ou s’aggraver.

En Europe, les rendements en euros ont sombré dans le sillage des Etats-Unis, conduisant le rendement du Bund allemand à 10 ans de 2,75% à moins de 2,2% en quatre sessions! Le repli des rendements à court terme est encore plus prononcé, préfigurant une plus grande retenue de la part de la BCE au cours des prochains mois et un taux terminal revu à la baisse. Sauf cataclysme, le Conseil des gouverneurs ne devrait pas céder à la panique ambiante et relever jeudi ses taux d’intérêt directeurs de 0,5 point. Assez probable, un retour au calme devrait impliquer un rebond des rendements dans un environnement toujours inflationniste.

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François Christen

One Swiss Bank à Genève