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La BCE veut rattraper son retard sur la Fed

La poursuite du resserrement de la BCE et le futur ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed devraient conduire à une réduction de la divergence. Ce qui aura des implications pour les investissements.

Après le fort durcissement monétaire de 2022, Jerome Powell et Christine Lagarde poursuivront cette semaine de nouvelles augmentations. Les deux banquiers centraux «maintiendront le cap» des hausses d’intérêt pour dompter une inflation élevée persistante, mais à des rythmes différents. La Réserve fédérale (Fed) devrait ralentir le rythme des hausses de taux de 25 points de base, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir son rythme de hausse des taux à 50 points de base. Cela pourrait représenter un total de 150 points de base de hausses de taux par la BCE au cours du premier semestre de 2023. Ainsi, les rôles seront inversés cette année: la BCE deviendra plus agressive que la Fed. L’institution monétaire pourrait ainsi doubler son taux directeur, tandis que la Fed le relèvera de 75 points de base avant de marquer une pause au second semestre.

Environnements différents

Il est peu probable que les deux banques centrales augmentent les taux d’intérêt dans la même proportion pour deux raisons. Premièrement, l’environnement inflationniste aux Etats-Unis diffère de celui des pays de la zone euro. Aux Etats-Unis, l’inflation est en baisse depuis juin 2022 et a atteint 6,5% en glissement annuel en décembre 2022. Le taux d’inflation aux Etats-Unis est ainsi tombé à son plus bas niveau depuis plus d’un an et a diminué pour le sixième mois consécutif. La baisse des prix de l’essence a notamment contribué à cette évolution. Par ailleurs, les prix à la production, qui ont un impact sur prix à la consommation avec un décalage de trois mois, ont baissé de 0,7% en décembre et de 7,3% à 6,2% sur un an. L’inflation sous-jacente – qui exclut les prix de l’énergie et des denrées alimentaires – a également diminué, passant de 6,0% à 5,7%. A contrario, l’inflation sous-jacente en zone euro a augmenté de 5,0% à 5,2%. En ajoutant l’alimentaire et l’énergie, la hausse des prix atteint 9,2%. Le taux d’inflation dans la zone euro varie de 5,8% en Espagne à 23% en Hongrie. Les facteurs clés sont la proximité géographique avec la Russie, la dépendance à l’égard des importations d’énergie et de denrées alimentaires, et l’intervention des pouvoirs publics dans les prix. Par conséquent, alors que dans la zone euro le taux de croissance des prix à la consommation est en baisse, l’inflation sous-jacente poursuit sa progression.

La Fed plus agressive

Secondement, la BCE a pris du retard dans le resserrement de sa politique monétaire. La Fed a réagi à la hausse de l’inflation dès mars 2022, tandis que la BCE a resserré sa politique monétaire quatre mois plus tard, en juillet. En outre, la Fed a été beaucoup plus agressive, avec une hausse cumulée des taux de 425 points de base, la plus importante depuis le début des années 1980, ainsi qu’une réduction de la taille de son bilan à partir de juin 2022. Selon un document de recherche de la Fed d’Atlanta, une baisse de 2200 milliards de dollars du bilan sur trois ans équivaut à environ 30 points de base de hausse des taux dans un scénario sans crise et à 90 points de base dans un scénario de crise. Le durcissement monétaire aux Etats-Unis a donc été très agressif. En zone euro, la BCE a relevé ses taux directeurs de 250 points de base et commencera à réduire son bilan en mars 2023, soit neuf mois après la Fed. Ce délai s’explique par le risque de fragmentation financière dans la zone euro qui conduit la BCE à éviter une hausse trop rapide des taux souverains.

Deux implications majeures

La réduction de la divergence de politique monétaire entre la Fed et la BCE a deux implications majeures pour les investissements: une appréciation de l’euro face au dollar américain, et une préférence pour les crédits européens de courte duration. La poursuite du resserrement de la BCE, associée à un futur ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed, devrait conduire à une réduction de la divergence entre les deux banques centrales. L’écart de taux entre la zone euro et les Etats-Unis devrait continuer à se réduire et donc conduire à une appréciation de l’euro par rapport au dollar. Par ailleurs, nous maintenons des positions de duration courte afin de réduire le risque de taux d’intérêt qui affecte négativement la performance des obligations. En effet, les futures hausses de taux ne semblent pas être pleinement intégrées dans les prix. Enfin, nous privilégions le crédit investment grade européen par rapport au crédit américain, en raison de la poursuite de la dépréciation de l’USD et pour profiter de coupons aux niveaux élevés et désormais attractifs.

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Arthur Jurus

ODDO BHF (Suisse) Head of Global Investment Office