La mondialisation est-elle en danger?
La mondialisation est en train de changer, potentiellement pour le mieux.
Aujourd'hui, deux courants contraires s'affrontent, montrant un monde à la fois plus et moins intégré. D’un côté, les avantages reconnus depuis longtemps de la mondialisation témoignent de la nécessité de poursuivre la coopération, et les défis croissants de la planète exigent une collaboration plus étroite. De l’autre, des forces protectionnistes éloignent les parties prenantes de ce qui était autrefois un système mondial profondément intégré. Si elle est gérée correctement, la collision de ces forces opposées peut remodeler l'avenir de la mondialisation de manière à faire progresser non seulement la prospérité, mais aussi l'équité et la résilience.
Les quinze dernières années ont été marquées par un recul de la mondialisation, mesuré par le rapport entre le commerce international et le PIB mondial. Ce recul fait suite à une période d'environ trois décennies d’«hypermondialisation» après la fin de la Guerre froide – une expansion et une libéralisation du commerce qui ont abouti à une économie mondiale fortement interconnectée. L'augmentation des échanges au cours de cette période a contribué à l'amélioration des revenus, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté ayant été réduit de moitié depuis 1990, selon la Banque mondiale.
Cependant, la crise financière mondiale de 2008 a amené les dirigeants à changer de cap, et la décennie suivante a vu une montée des mesures protectionnistes. La pandémie de Covid-19 et l'invasion de l’Ukraine par la Russie ont encore incité les responsables à rapatrier les chaînes d'approvisionnement et à mettre en place des restrictions commerciales pour «protéger» leurs économies des forces globales turbulentes et perturbatrices.
Cette année, l’Organisation mondiale du commerce s’attend à ce que les échanges commerciaux n'augmentent que de 1%, ce qui représente une baisse sensible par rapport à sa précédente estimation de 3,4%. L’inquiétude – en particulier à un moment où une économie fragile et une planète qui se réchauffe exigent une attention collective – est qu'un paysage géopolitique fragmenté entrave des redémarrages nécessaires indispensables.
En ce qui concerne l’économie, la croissance pour 2023, bien que meilleure que celle prévue précédemment, devrait décélérer pour atteindre 2,9% cette année. La fragmentation du commerce pourrait l’entraver et entraîner une perte de 7% du PIB mondial à long terme. Pour ce qui est du changement climatique, l’ONU a prévenu l’année dernière que c'était «maintenant ou jamais» pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Or il est plus facile de mettre en œuvre des engagements zéro émission nette dans un monde globalisé, car le commerce accroît la disponibilité des biens et des technologies vertes, et in fine les rend plus abordables.
Mais se concentrer uniquement sur les avantages de la mondialisation ne donne qu'une image partielle de la situation, comme le montre clairement le cas des vaccins contre le Covid-19. Celui de BioNTech/Pfizer est une merveille de coopération et de commerce, composé de 280 éléments provenant de 19 pays différents. Pourtant, au cours de la première année de distribution des vaccins, la concurrence pour l'approvisionnement a entraîné de grandes inégalités. Les pays à haut revenu ont pu atteindre des taux de vaccination de 75% à 80%, alors que les pays à faible revenu ont vacciné moins de 10% de leur population.
Pour assurer une véritable prospérité mondiale et une plus grande résilience, la mondialisation doit prendre un autre chemin que par le passé.
Un certain nombre d'accords mondiaux ont pour but de promouvoir une plus grande équité en tenant compte des intérêts de divers acteurs. L’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine, par exemple, inclut l’égalité des sexes parmi ses objectifs. La Conférence des Nations unies sur le climat de 2022, la COP27, est parvenue à un accord sur un nouveau fonds pour les «pertes et dommages» des économies à faible revenu confrontées aux risques du changement climatique. Et, en assumant la présidence du G20, l’Inde a déclaré que l'un de ses principaux objectifs sera de faire progresser un programme inclusif, notamment en ce qui concerne la réduction de la fracture numérique.
Ces mesures sont toutes encourageantes, mais il faut en faire plus, notamment au niveau national. Les gouvernements peuvent prendre des mesures pour promouvoir des politiques inclusives, comme le renforcement des filets de sécurité ou des mécanismes qui favorisent la compétitivité de leurs communautés. Certaines des économies les plus mondialisées, comme en Scandinavie, présentent également de faibles taux d'inégalité grâce à ces politiques.
La mondialisation d'hier est mise à mal car elle n'a pas toujours servi les intérêts de toutes les parties prenantes. Il appartient maintenant aux dirigeants de profiter de ce moment pour façonner un monde non seulement plus intégré, mais aussi plus équitable.